Le père Joseph Wresinski (1917 – 1988)


Le père Wresinsky a bien connu notre pays et ses habitants . Son action et son message sont des exemples pour nous tous et chacun ici appuie la demande de béatification en cours !

De père polonais, avec passeport allemand, et de mère espagnole, le père Joseph Wresinski est né à Angers, dans un centre d'internement pour étrangers.

Au début de la Première Guerre mondiale, le couple Wresinski est interné avec leur premier enfant, Louis, d'abord au fort de Saumur, puis dans les locaux de l'ancien grand séminaire d'Angers, l'abbaye Saint-Serge, transformée en camp d'internement pour les étrangers suspects de collaboration avec l'ennemi. Sophie, le deuxième enfant du couple, y meurt en bas âge.

Joseph est donc né dans une famille très pauvre. À l'issue de la guerre, celle-ci trouve refuge dans une vieille forge désaffectée, rue Saint-Jacques à Angers. Dès son jeune âge, Joseph est amené à subvenir aux besoins de la famille en gardant une chèvre, puis en servant la messe chez les religieuses du Bon Pasteur, en échange d'un bol de lait et de deux sous. « Ce sont les deux sous qui m'ont décidé », dira-t-il plus tard. À l'âge de 13 ans, il est embauché comme apprenti boulanger.

Son enfance est marquée par une grande précarité. Jeune apprenti à Nantes, il découvre l'injustice autour de lui et ne peut l'accepter. Des amis l'entraînent à rejoindre la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne). Il a tout juste 17 ans et cet engagement confirme son envie de devenir prêtre pour défendre les pauvres.

Sa formation l'amène à Nantes où, après avoir fréquenté pendant 6 mois les jeunesses communistes, il fait, par l'intermédiaire d'un camarade de travail, la connaissance de la JOC, la Jeunesse ouvrière chrétienne, fondée en Belgique par l'abbé Joseph Cardijn. Comme jociste, il prend part à des enquêtes sur les conditions d'existence, souvent terribles, des jeunes travailleurs. Peu de temps après, il décide de devenir prêtre et, à 17 ans, il reprend des études sur les bancs du petit séminaire de Beaupréau (Maine-et-Loire), avec des élèves qui ont cinq ans de moins que lui. La mobilisation générale, puis la guerre interrompent son parcours vers la prêtrise, et ce n'est qu'en octobre 1940 qu'il rejoint le grand séminaire de Soissons, réfugié à Entrammes. Le choix du diocèse de Soissons, plutôt que celui d'Angers, sa ville natale, trouve son origine dans le fait que ses études sont prises en charge financièrement par une famille d'agriculteurs du Soissonnais dont une parente était religieuse au Bon Pasteur à Angers et connaissait la famille Wresinski depuis très longtemps.

Il est ordonné le 29 juin 1946 à Soissons.

Vicaire, puis curé dans des paroisses ouvrières (Tergnier) et rurales (Dhuizel), pendant dix ans, dans le département de l'Aisne, il ne cesse d'aller à la recherche des plus pauvres, des plus humiliés. Il passe quelques mois à la Mission de France, travaille dans les mines, contracte la tuberculose. En pèlerinage à Rome en 1950, il poursuit son voyage jusqu'en Sicile pour y découvrir notamment « l'enfer blanc », les mines de sel siciliennes. Connaissant sa recherche, son évêque (Mgr Pierre Douillard), qui avait été curé à Angers, dans la paroisse de la famille Wresinski, lui propose alors en 1956 de rejoindre un camp de sans-logis, à Noisy-le-Grand (région parisienne), où il fondera le mouvement ATD Quart Monde. Il a également créé le terme de «  quart monde ». Le camp de Noisy-le-Grand a été créé deux ans plus tôt, à l'initiative de l'abbé Pierre, pour reloger des familles hébergées, dans un premier temps, porte de Charenton à Paris, après l'appel lancé par le fondateur d'Emmaüs en février 1954.

"Ces familles me rappelèrent la misère de mon enfance".



Le 14 juillet 1956, Joseph Wresinski rejoint les 252 familles rassemblées dans le camp des sans-logis. Il y éprouve un véritable choc. « Ce jour-là, je suis entré dans le malheur », écrira-t-il plus tard.

« J'ai été hanté par l'idée que jamais ces familles ne sortiraient de la misère aussi longtemps qu'elles ne seraient pas accueillies dans leur ensemble, en tant que peuple, là où débattaient les autres hommes. Je me suis promis que si je restais, je ferais en sorte que ces familles puissent gravir les marches du Vatican, de l'Élysée, de l'ONU... »

Désormais, il consacrera toute son énergie à faire reconnaître ces personnes en quête de dignité, qui possèdent une pensée et une expérience uniques, indispensables à la société. Il s'oppose à la soupe populaire et propose aux familles un jardin d'enfants et une bibliothèque. « Ce n'est pas tellement de nourriture, de vêtements qu'avaient besoin tous ces gens, mais de dignité, de ne plus dépendre du bon vouloir des autres. » Une chapelle, des ateliers pour les jeunes et les adultes, une laverie, un salon d'esthétique pour les femmes vont être réalisés peu à peu.

Fondateur du Mouvement international ATD Quart Monde

Avec les habitants du camp qui veulent bien le suivre et quelques amis, en 1957, il fonde une première association qui prend l’appellation d'« Aide à toute détresse » (ATD Quart Monde). « Nous n'avions rien que nos personnes à offrir. Ces familles qui vivaient dans l'extrême pauvreté, nous avons voulu dès le départ qu'elles soient les défenseurs de leurs frères ». Des personnes de tous horizons le rejoignent. Le Père Joseph a fondé un mouvement marqué par le pluralisme des croyances et des convictions. « Pour moi, il s'agissait d'un droit de justice de permettre à n'importe quel homme quelles que soient sa foi, ses idées, sa culture, de pouvoir descendre au plus bas de l'échelle sociale. »Il crée ensuite le terme « Quart Monde» pour donner une identité collective à ces familles dispersées. Peu à peu le Mouvement s'étend, en France, en Europe, et dans plus de trente pays sur les cinq continents. Pour le père Joseph, il ne s'agit pas de mener des actions « caritatives » au sens habituel de donner des biens matériels. Il s'agit de refuser la misère, ce qui nécessite de réfléchir et d'agir autrement en prenant en compte la pensée et l'expérience des plus pauvres. Beaucoup désirent que les pauvres changent de comportement. Beaucoup pensent nécessaire de les éduquer. Le père Joseph, lui, propose de construire une proximité avec les plus blessés pour changer avec eux à partir de la connaissance de leur histoire et de leur quotidien.

Il était prêtre et aimait  à le rappeler souvent : "Je suis prêtre de l'Eglise catholique, apostolique et romaine" mais, respectant les convictions des personnes qui rejoignait son combat il créa un Mouvement ouvert à tous demandant à chacun de confronter ses références religieuses, politiques ou philosophiques avec l'expérience de la misère et de l'exclusion sociale. Lui-même n'a cessé de creuser sa connaissance des textes chrétiens particulièrement l'Evangile où il voyait vivre son peuple autour du Christ. « Pour moi qui suis prêtre, si les pauvres son ma vie, l'Eglise est mon oxygène. »

Du camp de Noisy-le-Grand, le mouvement ATD Quart Monde s'étend progressivement, des volontaires allant rejoindre d'autres lieux d'abandon de la région parisienne d'abord (La Campa, à La Courneuve ; les Francs-Moisins, à Saint-Denis) ; puis dans d'autres villes de France, d'Europe ainsi qu'aux États-Unis d'Amérique (New York, en 1964). À travers des voyages et l'entretien d'une longue et fidèle correspondance, le père Joseph Wresinski développe parallèlement un réseau d'amis à travers le monde, composé de personnes et de petites organisations engagées auprès des plus pauvres. « Que personne ne reste seul dans son engagement avec les très pauvres » était une de ses préoccupations. C'est dans cette perspective qu'il crée à la fin des années 1970 le Forum permanent sur l'extrême pauvreté dans le monde. C'est à la même époque qu'après plus de 20 ans de présence et d'action auprès des plus pauvres de l'Europe et de l'Amérique du Nord, des volontaires sont envoyés en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique.

Membre du Conseil économique et social de la République française à partir de 1979, Joseph Wresinski rédigera un rapport aux répercussions sociales et politiques importantes à travers l'Europe et dans le monde. Intitulé « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », ce rapport est adopté le 11 février 1987. Quelques jours après, le 20 février 1987, Joseph Wresinski prend la parole devant la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, à Genève, pour demander à cet organe de l'ONU de reconnaître l'extrême pauvreté comme une violation des droits de l'Homme.

Le 17 octobrede la même année, en inaugurant à Paris une dalle commémorative des victimes de la misère, scellée sur le parvis du Trocadéro, il crée la Journée mondiale du refus de la misère, reconnue officiellement par les Nations Unies comme Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté en décembre 1992, et célébrée chaque année le 17 octobre. Le texte gravé sur la dalle du Trocadéro, devenue parvis des droits de l'homme, affirme que :

« Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »

Quelques mois après, Joseph Wresinski décède des suites d'une intervention chirurgicale. Ses funérailles sont célébrées en la cathédrale Notre-Dame de Paris sous la présidence du cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris. Il est inhumé à Méry-sur-Oise (Val-d'Oise), au cœur du centre international du Mouvement ATD Quart Monde.

Peu de temps après son décès, des membres du Mouvement ont entamé une procédure en béatification pensant que son message et sa vie sont un patrimoine dont l'Eglise ne peut se priver.

Pour respecter le caractère non confessionnel du Mouvement ATD Quart Monde, cette cause en béatification a été confiée à une association indépendante : L'APJW, Association des Amis du Père Joseph Wresinski.


Il a également inspiré le film Joseph l'Insoumis